20100604
ALL AFRICA
Floribert Cebeya, secrétaire exécutif de la «Voix des sans voix pour les droits de l'Homme» (VSV), a été retrouvé mort le matin du 2 juin dans sa voiture dans la commune de Mont Ngafula à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC).
Plusieurs journalistes et militants des droits humains ont été tués dans des circonstances douteuses en RDC au cours de ces cinq dernières années.
Cebeya était un militant des droits de l'Homme depuis plus de 25 ans dans la ville orientale de Bukavu et à Kinshasa. Il avait été souvent menacé par les autorités du pays. VSV est une ONG basée à Kinshasa.
«Allongé sur la banquette arrière, son corps a d'abord été retrouvé par la population qui a alerté la police. Il ne porte pas de marque visible d'une agression. Les indices recueillis sur le lieu et même sur le corps de l'infortuné, ne sont pas encore suffisants pour établir les circonstances de sa mort», a déclaré à IPS, le général Jean de Dieu Oleko, inspecteur provincial et chef de la police de Kinshasa.
Le rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Philip Alston, a affirmé que les circonstances du meurtre "insinuent fermement une responsabilité officielle". Des organisations locales et internationales, notamment Amnesty International et Human Rights Watch, ont appelé à une enquête indépendante.
«Entre-temps, le chauffeur de Cebeya reste introuvable», a indiqué Oleko.
Selon le lieutenant-colonel Jean Siasia de la police nationale, «le corps du défunt a été retrouvé à côté de deux préservatifs déjà utilisés, de trois non utilisés, des comprimés excitants, de deux ongles et de cheveux postiches de femmes».
«Les informations que donne le gouvernement ne rassurent pas. On ne peut pas dire qu'on a retrouvé des préservatifs utilisés près du corps de cet homme et confirmer que c'est lui qui les a utilisés si aucun examen des semences y trouvées n'est préalablement mené», a dit à IPS, Robert Ilunga, défenseur des droits de l'Homme, actuellement désigné pour encadrer les manifestations de la société civile autour de la mort de Cebeya.
Pour Ilunga, «tendre à confirmer qu'il aurait eu recours aux services d'une prostituée, c'est ignorer cet homme. Cebeya a toujours été l'exemple de la bonne conduite et de la haute moralité au sein de la société civile congolaise».
Ilunga et un autre activiste qui avait travaillé avec Cebeya, Godé Mpiana, disent que le directeur de VSV avait reçu un appel téléphonique le 1er juin, l'invitant à une rencontre avec le général John Numbi, l'inspecteur général de la police nationale de la RDC. Cebeya est parti, comme il se doit, pour cette rencontre, mais vers 20 heures, il a téléphoné à sa famille pour dire qu'il avait reçu un sms indiquant que le général ne pouvait plus le voir.
«Le gouvernement doit mettre en place une commission mixte et indépendante pour clarifier les circonstances de cette mort. Mais les indices laissent croire qu'il s'agit d'un assassinat. On en a assez de l'impunité pour les assassinats qui frappent de plus en plus les journalistes et les défenseurs des droits de l'Homme», estime Mpiana, un activiste engagé dans la lutte contre l'impunité.
Pour sa part, George Kazadi, journaliste et membre de la «Coalition congolaise pour la Cour pénale internationale (CCPI), affirme que «cette mort rouvre les demandes toujours formulées par nous contre l'impunité».
«Alors qu'on attend l'issue des procès ouverts sur des assassinats d'au moins six journalistes et trois défenseurs des droits de l'Homme en l'espace de cinq ans, voilà un autre assassinat pour lequel probablement les institutions resteront insensibles», déclare Kazadi.
«A l'aube de la célébration de 50 ans d'indépendance de la RDC, il est temps que les institutions du pays donnent la preuve de leur propre crédibilité en ouvrant rapidement une enquête indépendante sur cette mort et en rendant publics les résultats qui en sortiront», a-t-il ajouté.
Le haut commissaire des Nations Unies pour les droits de l'Homme, Navi Pillay, a déclaré : "Sa mort est une grosse perte pour la communauté de défense des droits humains non seulement en RDC, mais aussi dans le monde entier. J'exhorte les autorités de la RDC à enquêter rapidement et rigoureusement sur le décès de Cebeya Bahizire et à ne ménager aucun effort pour assurer que les coupables seront traduits en justice".