Samuel Nguiffo, directeur du Centre pour l'Environnement et le Développement (une ONG basée au Cameroun), demande à la Banque mondiale de s'inspirer de la Chine et de l'Inde pour le développement de l'Afrique.
M. Nguiffo, qui a participé à la consultation initiée le jeudi 10 mai, par la Banque mondiale, sur sa stratégie de développement pour l'Afrique, explique comment on peut développer le continent africain à partir de l'exemple de la Chine et de l'Inde, dans cette interview accordée à Xinhua.
Comment peut-on développer l'Afrique en s'inspirant de l'exemple Chinois et Indien?
Il y a trente ans, la Chine connaissait une croissance comparable à celle que l'Afrique connaît en ce moment. Et il y a vingt ans, c'était le tour de l'Inde. Depuis, des années de croissance ininterrompue ont permis à ces deux pays à devenir, pratiquement, des locomotives de la croissance mondiale, notamment la Chine. Aujourd'hui, dans les pays africains ont constate qu'il y a une bonne décennie de croissance, légèrement ralentie par la crise. Et tous les spécialises conviennent que la période actuelle de croissance en Afrique peut être comparée à celle que la Chine et l'Inde ont connue. Et que cela devrait, logiquement, pouvoir produire les mêmes effets.Mais ce qu'il faut faire, c'est essayer de tirer les leçons de la croissance dans ces deux pays.
Quelles sont les leçons que l'Afrique peut-elle tirer de l' expérience de ces pays ?
La première est une leçon d'optimisme, c'est-à-dire que si la Chine et l'Inde ont pu se développer sur une génération, l' Afrique aussi peut le faire sur une génération. Seulement, il faut tout en s'inspirant de la démarche de ces pays, éviter de faire des erreurs.
La croissance en Chine et en Inde a essentiellement reposée sur une valeur ajoutée. La Chine à toujours été présentée comme le plus grand atelier de la planète. Or la croissance en Afrique repose sur les exportations des matières premières non transformées. Il y a là une différence fondamentale en termes de création d'emplois mais aussi en termes de stabilité structurelle de la croissance. Parce qu'on est très exposé à de petites modifications dans le marché notamment celle de la demande.
Comment peut-on changer cette situation ?
Il faut mettre l'accent sur la transformation dans nos pays : avoir une valeur ajoutée locale avant l'exportation. La deuxième chose est que la Chine et l'Inde ont mis un accent sur la production agricole. Ils ont essayé d'avoir leur autosuffisance alimentaire et aujourd'hui avec la croissance de la demande agricole, ils continuent d'essayer de garantir leur souveraineté alimentaire. Y compris en venant chercher dans les pays africains des concessions foncières pour produire afin de s'assurer qu'ils auront des ressources alimentaires pour leur pays. Mais chez nous (Afrique), on ne l'a pas fait. Nous continuons d'être très dépendants pour les produits alimentaires. Et cela pèse à la fois sur la balance de paiement et sur toute la question de la souveraineté alimentaire. Parce qu'une légère augmentation du cours du pétrole se traduira par une augmentation du prix des transports et donc par une augmentation du prix en Afrique. Il faut arriver à ce mettre à l'abri de tout cela en développant l' agriculture et en s'assurant que nous maitrisons la production de ce que nous consommons.
La troisième chose c'est en l'éducation. La Chine et l'Inde savent où ils veulent aller et ont essayé de se donner les moyens pour y arriver. En Afrique, on peut très difficilement voir des pays africains qui savent ce qu'ils veulent faire en matière de formation : est-ce qu'on veut mettre l'accent sur la formation technique ? Est-ce qu'on veut se spécialiser comme les Indiens dans l'informatique. Ils (les Indiens) sont de loin les meilleurs en matière d'informatique. Mais ce n'est pas venu tout seul, il y a eu un effort pour arriver à cela. Alors, il va falloir réfléchir à ce qu'on veut faire en matière de formation des jeunes pour que ces derniers puissent accéder, demain, à l'emploi.
http://french.news.cn/afrique/