Cinq ans de prison, plus une sanction civile : c’est ce que risque désormais tout Tunisien qui entrerait en « contact direct ou indirect » avec des étrangers afin de porter préjudice à la « sécurité économique » du pays. Cet amendement gouvernemental à l’article 61 bis du code pénal a été adopté par le Parlement, à la quasi-unanimité, le 15 juin.
Qui est visé ? Devant les députés, Lazhar Bououni, le ministre de la Justice et des Droits de l’homme, a estimé que « la formulation d’une opinion, même si elle entraîne un préjudice, ne saurait être criminalisée ». En revanche, la loi punira à l’avenir toute personne « incitant des parties étrangères à ne pas accorder de crédits à la Tunisie, à ne pas investir dans le pays ou à boycotter le tourisme ». Le même jour, Abdelwahab Abdallah, ministre-conseiller auprès du président Ben Ali chargé des Affaires politiques, mettait en cause une « minorité dépourvue de tout sens patriotique » qui rêve « d’entraver la promotion de la Tunisie au rang de “partenaire avancé” de l’Union européenne ».
Parmi les ténors de la société civile pris pour cible figure Khemaïs Chammarri, un vétéran des droits de l’homme que des médias locaux qualifient volontiers de « traître ». La Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH) voit dans la nouvelle loi « un danger pour les libertés publiques ». Elle est faite pour « terroriser l’opposition », renchérit Mustapha Ben Jaafar, le très modéré secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL). Avant le vote du Parlement, le mouvement Ettajdid avait quant à lui demandé le retrait pur et simple du projet de loi.
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